VISITE aux VERRERIES de FOLEMBRAY

Extrait du journal " LE QUINCAILLIER ", n° 260, au 10 mars 1933 :  page 1, page 2

VERRE EXTRA-DUR " SIBOR "
(Bocaux à conserves, Biberons, Verrerie de Laboratoire, etc...') Isolateurs électriques - B
outeilles

Au milieu du désarroi des hommes et des choses, dont les temps actuels nous donnent l'affligeant spectacle, il est une chose qu'on ne saurait trop admirer : C'est le calme sang-froid de nos Industriels et Commerçants. En effet, malgré les difficultés et préoccupations de toutes sortes qui les absorbent et les tenaillent, nombre de ceux-ci trouvent encore le temps d'innover, quand besoin est, dans la lutte menée par eux chaque jour contre la crise envahissante. Au nombre de ces initiatives, celle qu'a choisie la Direction des Verreries de Folembray, en invitant ceux de ses principaux clients à visiter ses usines (ainsi que l'avaient fait l'an dernier les USINES DE ROSIERES) nous semblent de nature à porter les plus heureux fruits pour l'avenir. Moyen excellent, n'est-il pas vrai, pour resserrer les liens existant entre fournisseurs et acheteurs, aider les uns et les autres à ce mieux comprendre, unifier en un mot les intérêts réciproques pour le plus grand bien de chacun.


Aussi sommes-nous heureux de relater ci-après pour les lecteurs du " QINCAILLIER " la très intéressante visite à laquelle, nous venons de faire allusion, dont l'agréable souvenir - au dire des participants eux-mêmes restera longtemps présent dans leur mémoire.

C'est le vendredi 20 janvier dernier, que la Direction des Verreries de Folembray avait invité ses représentants et quelques-uns de ses clients grossistes à une réunion à FOLEMBRAY, afin de leur exposer ses projets pour l'année 1933 et de leur faire visiter ses usines pour qu'ils puissent se rendre compte des moyens de production.


Malgré l'époque peu engageante, cette réunion avait tenté de nombreuses personnes qui, par le chemin de fer ou par la route, se trouvèrent rassemblées à la Verrerie vers 10 heures ; pour les voyageurs venus par le rail, un autocar avait été affrète spécialement et les prenait à COMPIEGNE ; la Direction des Verreries avait, en effet, pensé que c'était l'occasion de faire visiter par ses invités le Carrefour de l'Armistice et le Musée contenant le wagon où fut signé la capitulation de L'ALLEMAGNE, Cette attention fut très appréciée des voyageurs qui, pour la plupart n'avaient pas encore eu l'occasion de voir de témoignage d'un marnent important entre tous ; de plus, l'itinéraire que suivit ensuite l'autocar côtoya longtemps la ligne du front pour rejoindre, un peu avant FOLEMBRAY. la zone tristement célèbre de la vallée de l'AILETTE, où tant de sanglants combats eurent lieu. Beaucoup, parmi les voyageurs, avait combattu en ces endroits, qu'ils furent heureux de revoir malgré les souvenirs pénibles qu'ils leur rappelaient.


M. Georges Conrad, Ingénieur des Arts et Manufactures, Directeur général des VERRERIES De Folembray, entouré de M. Enguerrand Conrad, son fils, chargé spécialement de la vente de la verrerie de ménage SIBOR, et de M. F. Doutriaux, Ingénieur des Arts et Manufactures, Secrétaire Général des VERRERIES DE FOLEMBRAY, attendait les invites dans son bureau.

M. G. Conrad, dans une causerie familière, fit rapidement l'historique de la Verrerie de Folembray, dont les origines remontent au xve siècle ; Il put montrer à ses invités le parchemin authentique par lequel MGR LE Duc D'ORLEANS donnait, le 31 janvier 1709, à GASPAR THEVENOT, l'autorisation d'établir une verrerie " pour y fabriquer des bouteilles et carafons à la manière d'Angleterre ". Au lieu dit " Le Vivier " c'est-à-dire à l'endroit exact de l'emplacement de la Verrerie actuelle. Il est d'ailleurs conservé précieusement dans les Bureaux, une bouteille de cette époque soufflée par THEVENOT lui-même, et appelée précisément " THEVENOTTE ", dont l'aspect rappelle presque exactement la bouteille " Bénédictine " bien connue. 


FOLEMBRAY pendant longtemps fabriqua uniquement des bouteilles. A partir de 1690, date de la découverte de la fabrication du vin mousseux de Champagne, la fabrication s'orienta vers les bouteilles particulièrement solides destinées à contenir ce nouveau produit, et FOLEMBRAY acquit dans celle spécialité une renommée qui n'a fait que grandir.

Naturellement son activité ne se borna pas à ce modèle et la bouteille " Cognac " Folembray avait conquis dans les Charentes une réputation sans rivale ; il a fallu, après la guerre, les progrès de plus en plus accentués de la machine, qui arrive à un degré de régularité qui n'est pas à la portée du verrier, pour détrôner cette bouteille et pour, d'ailleurs, mettre un terme définitif au métier de verrier souffleur à la bouche, un des plus vieux métiers qui existaient. Toutefois, si la fabrication des bouteilles à la bouche est abandonnée depuis juillet 1931, la Direction a mis aussitôt à l'étude la fabrication automatique et, d'ici quelques mois, les premières bouteilles sortiront, établies avec le souci et le soin de leurs devancières.


Vers 1900 Monsieur Conrad étant déjà Directeur des Verreries, entrevit le développement prodigieux des applications de l'électricité et se lança résolument dans la fabrication de l'isolateur en verre : On se doute des difficultés rencontrées dans une branche absolument nouvelle ; tout fut surmonté et cette fabrication avait acquis un développement formidable qui ne fut interrompu que par la guerre.


Occupé dès septembre 1914, la Verrerie fut, ainsi que le village, complètement dynamitée par les Allemands lors du repli de mars 1917 et l'aspect qu'offrait celte usine à l'Armistice était de nature à décourager les plus optimistes. Mais l'énormité de la tâche ne rebuta pas plus le Comte de Brigode, Président du Conseil que M. Conrad, et leur énergie permit de mener à bien l'œuvre de reconstruction. Dès octobre 1920, la fabrication des isolateurs recommençait et tous les Services, peu à peu. reprenaient vie.


Depuis quelques années, désireuses de développer toujours leur activité, les verreries se sont adjointes la fabrication du verre spécial extra-dur SIBOR, verre boro-silicaté, aux applications multiples dont la renommée s'est étendue rapidement en FRANCE et à l'étranger. Résistant à la chaleur et au froid, à très faible coefficient de dilatation le verre SIBOR s'impose partout où les objets doivent subir de brusques variations de température. Il serait fastidieux de donner ici la liste complète de ses applications. Rappelons simplement que son emploi se recommande couramment pour la verrerie de laboratoire moulée et soufflée, la verrerie d'hygiène, les biberons, les bocaux à conserves, les tubes pour éclairage lumineux, les tubes de niveau, les vases à piles, les verres de lampes, etc., etc. Les références sont nombreuses : citons l'Assistance Publique, les Compagnies de Chemins de Fer, le Gaz de Paris, l'Institut Pasteur, etc.


Les bocaux à conserves SIBOR, dont le lancement n'a commencé que l'an dernier, ont été vivement appréciés du public. Si leur prix semble élevé à l'achat, ils se révèlent par la suite économiques, car avec eux, plus de casse lors du refroidissement et la certitude de conserves parfaitements réussies grâce à leur fermeture hermétique.
Terminons par quelques détails sur les Verreries de Folembray; elles occupent environ 12 hectares; les bâtiments couvrent 40.000 mètres carrés et tous sont construits en béton armé, donnant à l'ensemble une impression d'élégance rarement atteinte pour des bâtiments industriels. Le personnel est d'environ 600 ouvriers et employés, presque tous logés dans les maisons appartenant aux Verreries; si l'on tient compte que la population de F0LEMBRAY est de 2.000 habitants environ, on s'aperçoit que les Verreries assument presque à elles seules la vie de ce village.


Toutes les explications de M. Conrad furent suivies avec intérêt par ses auditeurs, qui se dirigèrent ensuite vers l'usine sous la conduite des Ingénieurs. La visite des divers ateliers, menuiserie, ajustage, forge, poterie, etc., leur démontra que rien n'était négligé au point de vue rendement et bien-être de l'ouvrier; de même qu'aux divers fours, où des installations de ventilation et d'air comprimé réduisent beaucoup la fatigue du personnel. A la Division SIBOR, les nouveaux fours à mazout retinrent particulièrement l'attention, de même que le travail des verriers, toujours intéressant pour des profanes, mais ici plus remarquable encore en raison des articles les plus divers fabriqués soit par soufflage, soit par moulage.


Après cette visite extrêmement intéressante, le petit groupe alla à COUCY-LE-CHATEAU, situé à 4 km. de FOLEMBRAY, où le château magnifique, orgueil du pays, fut stupidement, sans aucune raison militaire, dynamité par les Allemands en 1917. Malgré cet acte de pur vandalisme, les ruines sont encore extrêmement imposantes et l'on rapporte de cette visite un sentiment d'admiration pour les bâtisseurs qui, avec des moyens primitifs, surent élever des constructions formidables, dont ce qui subsiste après tant de vicissitudes frappe encore fortement l'imagination. Une description détaillée serait trop longue dans ce compte rendu; disons simplement, pour donner une idée de la puissance de cet édifice, que le donjon, qui était encore debout en 1917, avait 65 mètres de hauteur, et que l'épaisseur de ses murailles était de 7 mètres.


Cette petite excursion avait aiguisé les appétits et ce fut avec satisfaction que le groupe revint à FOLEMBRAY, dans la coquette Salle des Fêtes, dont l'atmosphère accueillante à souhait renforça encore l'ambiance sympathique existant. Le déjeuner excellent, digne de la réputation dont jouit dans la région, le traiteur, M. PARIZOT, de CoucY-LE-CHATEAU, se déroula le plus cordialement du monde.


Outre les personnalités dirigeantes des Usines de Folembray : MM, G. CONRAD, E. CONRAD, F, DOUTRIAUX, P. ORLIAC, R. LACROIX, L. FOUCHER, N. BOKLUND, nous avons remarqué parmi les invités : MM. SERET FRERES de St-Quentin, SYREN et BEAUFEIST de Reims, HIVERT PERE et FILS de Tours, COCHIN FRERES d'Angers, YDIER de La Roche-sur-Yon; MM. P, DIBOS, Au-DOUIN, AUBIN et Mme FROMANTIN de Paris: MM. LACOSTE du Raincy, ROSENFELD de Bordeaux, PORTAZ de Lyon, BASTARD ET METZ de Tours, JULIENNE de Reims.


A l'heure des toasts, lorsque M. Bastard, Représentant, leva son verre pour remercier en quelques mots, à la fois simples et sincères, M. Conrad de son charmant accueil, il ne fit très certainement qu'interpréter les sentiments de tous les assistants sans exception.


Dans sa réponse, M. Conrad, tint surtout à souligner la volonté de travail qui a animé et anime toujours les VERRERIES DE FOLEMBRAY: il assura ses invités, Clients et Agents, que, dans toutes circonstances, ils pouvaient compter sur la bonne volonté des dirigeants de cette vieille Firme bien française, pour les aider et leur faciliter les affaires.


Ses paroles furent saluées par des applaudissements chaleureux et l'on repartit pour la Verrerie, non sans que les convives reconnaissants n'aient battu en l'honneur du chef, un ban retentissant.


Avant de revoir une dernière fois les lieux de travail, où de nouvelles équipes d'ouvriers fabriquaient des objets différents de ceux du matin, les invités s'arrêtèrent au Chenil de M. le Comte de Brigode, Président du Conseil d'Administration des Verreries, et purent admirer une magnifique meute de chasse à courre.


Ensuite les visiteurs purent voir fabriquer les bocaux Sibor, les équipes spécialisées dans cette fabrication étant venues remplacer celles du matin. Chacun put se rendre compte de l'outillage perfectionné servant à cette fabrication.
Mais l'heure du retour était proche et il fallut se séparer à regret. Gageons que pas un des invités n'aura regretté cette belle journée, il n'en est d'ailleurs de meilleure preuve que les promesses qu'ils firent tous de revenir à la prochaine réunion qui aura lieu probablement vers le mois de mai. A cette époque, il est certain que le beau temps incitera ceux que la rigueur de la température avait retenu cette fois, a venir admirer le cadre de verdure qui entoure les Verreries de Folembray et fait de ce petit coin, un endroit des plus agréables à la belle saison. Des invitations seront d'ailleurs lancées en temps voulu et les Verreries seront heureuses d'accueillir tous ceux qui répondront à leur appel.

retour au menu