Salaires des verriers à bouteilles.

Les souffleurs, grands garçons et gamins sont tous payés à la tache suivant des tarifs, lesquels varient d’une usine à l’autre, souvent d’une année a l’autre, mais qui sont inscrits sur le contrat d’engagement qu’ils signent chaque année au début de la campagne.

Pour une fabrication courante de bouteilles de 22 à 25 onces (700 à 800 grammes) un salaire fréquemment en usage est 1 Fr. 60 pour le souffleur, 1 Fr. 10 pour le grand garçon, 0 Fr. 70 ou 0 Fr. 80 pour le gamin, ce qui, pour une production de 600 bouteilles, à raison de 75 bouteilles à l’heure pendant huit heures, représente : pour le premier, 9 Fr. 60 ; pour le second, 6 Fr. 60 ; pour le troisième, 4 Fr. 20 ou 4 Fr.20. Ce tarif est de tout choix, c’est à dire à la pièce, sans choix.

Dans le cas de bouteilles très soignées comme les Champenoises, le tarif est au choix, avec de très grands écarts de prix entre les différentes catégories : le souffleur est payé 3 francs et même 4 francs pour cent bouteilles 1er choix, tandis qu’il n’a que 1 Fr. 26 pour le 3éme choix ; le grand garçon est payé de 1 Fr. à 2 francs, le gamin 1 Fr. 20. Le premier peut en 10 heures se faire un salaire de 14 à 16 francs, assurant à ses aides 9 et 6 francs.

Tous ces tarifs ont le défaut de ne pas assez avantager le grand garçon, dont le rôle a pris une grande importance ; quant au gamin, son salaire est relativement faible, mais, si l’on tient compte des facilités d’apprentissage que donnent les fours à gaz à tous les degrés et du fait que, d’ici à peu d’années, tous les gamins seront soit des enfants de 14 à 17 ans, soit des ouvriers maladroits, on admettra que le taux de 4 Fr. 50 à 6 francs est bien tout ce que vaut leur travail.

Le système du tarif de tout choix est également défectueux, car il pousse les ouvriers à une fabrication mauvaise, mal soignée. Dans beaucoup de verreries du nord elle devint tellement mauvaise que les patrons durent recourir à la casse, c’est à dire au décomptage des bouteilles défectueuses ; mais, comme ces rebus ont encore une valeur marchande, très dépréciée il est vrai, comme ils supportent, en dehors de la main d’œuvre, tous les autres frais de fabrication, on continua de les vendre : de là ces cassées non cassées, suivant le langage des verriers, dont il est souvent question dans les grèves, et dont le public, ainsi que les verriers, ne peuvent admettre la légitimité.

La paye des verriers est, dans beaucoup d’usines, complétée par des primes diverses ( de choix, de quantité, d’assiduité.) Destinés à stimuler la bonne volonté des ouvriers, ces suppléments supposent que cette bonne volonté peut s’exercer librement et qu’un verrier a le désir de faire mieux que ses collègues ; ils sont devenus tout à fait inutiles dans l’état d’hostilité actuel. La plupart des ouvriers syndiqués n’ont plus aujourd’hui qu’une préoccupation : celle de faire au patron le plus de tort possible, et l’appât des primes les plus séduisantes ne peut rien contre cet esprit. Nous pensons qu’elles doivent être supprimées, sauf à composer cette réduction par une modification de tarifs, nous croyons, du moins, que la base de répartition doit être changée : l’étude du prix de revient nous indiquera cette base.

 

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